Introduction
L’homme a la faculté d’être heureux et de ressentir ce bonheur au moment où il se produit, comme une étincelle magique que l’on aperçoit en un clignement d’œil, mais ce bonheur est souvent individualiste, ou réduit à un très petit nombre de personnes (couple, famille, amis). Alors que nous vivons dans un monde surpeuplé et que nos sociétés s’organisent sur le collectif, les gouvernants pensent que ces pointes de bonheurs individuels peuvent être dangereuses, parce qu’elles montrent à l’homme qui en est bénéficiaire sa capacité mentale réelle et son aptitude à vivre heureux hors d’un système établi. Pour éviter tout danger, nos sociétés fabriquent du bonheur prémâché, du divertissement censé provoquer l’extase, ceci pour montrer aux hommes qu’elles ne les privent pas de bonheur… Ces divertissements sont souvent de caractères extrêmement triviaux, simplistes, et ne présentent aucun intérêt quant à l’évolution intellectuelle ou sensible des humains. Il y a la télévision et tous les médias, il y a aussi la politique et ses tumultes dignes de téléfilms. Ces débilités déguisées s’emparent d’un cerveau humain déjà contraint toute la journée à son travail par des occupations qui sont souvent rébarbatives et désagréables, ou encore stressantes. Arrivé chez lui le cerveau humain se réjouit d’avance parce qu’il y a la star ac’ ce soir et qu’il va enfin pouvoir se décontracter, avoir des frissons, et, en quelque sorte éprouver du bonheur… Il pense être enfin libre de ses contraintes de la journée en se procurant lui-même du plaisir, et même s'il est conscient de la stupidité du moyen par lequel il se le procure, il a la sensation de le choisir, d’en être maître et de pouvoir en user tant qu’il veut, c’est son bonheur secret. Le problème c’est que ce « bonheur » est formaté, il est pensé, étudié, testé approuvé puis diffusé à des cerveaux fatigués, à des esprits prisonniers d’un système qui ne veulent plus faire l’effort d’être vraiment heureux. C’est bien commode pour nos gouvernants, ainsi, les masses se tiennent tranquilles et ne font pas d’émule, elles ont la sensation d’être libre, mais elles n’ont même pas de temps libre en réalité, puisque qu’il est indirectement contrôlé par tout les médias et autres principes de nos sociétés.
Le constat fait peur, comme dans 1984 de Orwell, les gens ne se rebelleront jamais parce qu’ils n’en ont pas l’intelligence, pire encore, cela ne leur vient même pas à l’esprit parce qu’ils ont quand même la sensation d’être dans une société libre et qu’ils jouissent tant qu’ils le veulent…
Alors, si par hasard il y a encore des âmes dans ce monde qui font l’effort de dire non, de ne pas se laisser emporter par le flux de la facilité intellectuelle, qui pensent et veulent accéder à un réel bonheur doublé d’une capacité mentale, intellectuelle et sensuelle vraie et non pas aliénée par nos société, alors que ces gens-là diffusent la culture, la curiosité, que ces gens-là parlent d’art, d’amour et de Vie, que ces gens-là rattrapent les autres qui se sont égarés pour que l’humanité redevienne humaine. Car ce qui fait l’humanité de l’homme, c’est qu’il est libre, libre de quoi ? Libre d’être heureux et non contraint.
Ce texte sur le bonheur et la liberté peut a priori paraître prétentieux, hautain, dirigiste, et quelque peu naïf mais ce n’est pas du tout mon intention, j’ai juste envie de croire que ce monde n’est pas perdu, ou alors s'il l'est, laissez-moi le temps de voir sa déchéance finale et d’apprécier sa reconstruction. Mais je reste optimiste, humaniste diraient certains, et j’aimerai pouvoir redonner leur conscience aux hommes, leur rendre leur liberté. Ce n’est pas par prétention, je crois que simplement j’aime les hommes parce qu’ils ont fait des choses merveilleuses dans ce monde qui m’ont touché suffisamment profondément pour que je me sente un peu redevable à cette humanité formidable pleine de talents qui m’a permis à plusieurs reprise de connaître le bonheur. C’est aussi, le plus humblement du monde, pour dire merci à la vie.
A titre personnel, cette liberté génératrice du bien-être dont je parle plus haut pourrait je crois s’acquérir grâce à l’art d’abord, et à l’amour ensuite. Je dis d’abord l’art parce qu’à mon sens, il suscite l’amour, il l’encourage. Mais bien évidemment, ces deux géants ne peuvent être classé dans un ordre d’importance, parce que dans ces domaines, il ne s’agit plus d’importance.
L’art est essentiel au bonheur, car il contient en soi l’exaltation, le plaisir, aussi bien intellectuel que sensible. De plus, il ne s’agit pas seulement de joie, il contient aussi la curiosité qui laisse ensuite place à la surprise, la déception ou encore ce merveilleux sentiment qu’est l’émerveillement. Rien que pour cette sensation, l’art devrait faire partie intégrante de chaque vie, car l’émerveillement nous ramène à l’enfance, il provoque en nous une joie mêlée de surprise qui précède un moment de flottement des perceptions, comme si durant un temps (variable d’une personne à l’autre et face à différentes choses) nos perceptions justement étaient absorbées, comme si on ne les contrôlait plus et qu’elles nous guidaient à travers un chemin, inconnu dans le monde matériel, pour nous amener à la beauté, droit devant elle. Mon grand phantasme inavoué serait que chaque homme dans ce monde ait accès un jour à cette Beauté.
C’est justement en passant par le chemin de la beauté que nous arrivons à l’amour. Etre touché par la beauté c’est aussi avouer l’immensité et la profondeur insondable de sa sensibilité, qui à tout moment peut vous surprendre par son intensité. Le moment particulier où elle nous étonne à chaque fois, ou rien - y compris l’habitude – ne peut enfreindre son ardeur, c’est lorsque nous aimons. En très grande majorité, quand nous voyons la beauté, nous devenons amoureux d’elle, c’est pour cela que je reliais l’art, qui amène à voir la beauté, qui elle-même nous rend aimant. Le sentiment d’amour est immensément complexe, tellement qu’il me parait totalement indéfinissable ; ce que je peux me permettre de dire, c’est que ses formes autant que ses objets varient toujours, la seule constance qu’il nous amène, c’est une sensation de plénitude, de vérité, de clarté, d’évidence, mêlée à celle de l’impuissance. En cela l’amour, à la fois si agréable et si dérangeant est une caractéristique qui définit l’homme, dans toute la splendeur de son éternelle dualité. Cet amour sincère, qui donne tant de force à la vie, qui pousse les amoureux à toujours vouloir vivre plus fort, cet amour disparaît de notre monde, peu à peu remplacé par la tiédeur de l’amour modéré et raisonnable, en accord avec toutes ces choses si ternes qui régissent nos sociétés… Choses ternes et tristes, mais faciles d’accès pour des hommes fatigués qui laissent d’autres hommes décider de l’intensité de leurs amours.