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De la nécessité de l'art
11 janvier 2009

Introduction

L’homme a la faculté d’être heureux et de ressentir ce bonheur au moment où il se produit, comme une étincelle magique que l’on aperçoit en un clignement d’œil, mais ce bonheur est souvent individualiste, ou réduit à un très petit nombre de personnes (couple, famille, amis). Alors que nous vivons dans un monde surpeuplé et que nos sociétés s’organisent sur le collectif, les gouvernants pensent que ces pointes de bonheurs individuels peuvent être dangereuses, parce qu’elles montrent à l’homme qui en est bénéficiaire sa capacité mentale réelle et son aptitude à vivre heureux hors d’un système établi. Pour éviter tout danger, nos sociétés fabriquent du bonheur prémâché, du divertissement censé provoquer l’extase, ceci pour montrer aux hommes qu’elles ne les privent pas de bonheur… Ces divertissements sont souvent de caractères extrêmement triviaux, simplistes, et ne présentent aucun intérêt quant à l’évolution intellectuelle ou sensible des humains. Il y a la télévision et tous les médias, il y a aussi la politique et ses tumultes dignes de téléfilms. Ces débilités déguisées s’emparent d’un cerveau humain déjà contraint toute la journée à son travail par des occupations qui sont souvent rébarbatives et désagréables, ou encore stressantes. Arrivé chez lui le cerveau humain se réjouit d’avance parce qu’il y a la star ac’ ce soir et qu’il va enfin pouvoir se décontracter, avoir des frissons, et, en quelque sorte éprouver du bonheur… Il pense être enfin libre de ses contraintes de la journée en se procurant lui-même du plaisir, et même s'il est conscient de la stupidité du moyen par lequel il se le procure, il a la sensation de le choisir, d’en être maître et de pouvoir en user tant qu’il veut, c’est son bonheur secret. Le problème c’est que ce « bonheur » est formaté, il est pensé, étudié, testé approuvé puis diffusé à des cerveaux fatigués, à des esprits prisonniers d’un système qui ne veulent plus faire l’effort d’être vraiment heureux. C’est bien commode pour nos gouvernants, ainsi, les masses se tiennent tranquilles et ne font pas d’émule, elles ont la sensation d’être libre, mais elles n’ont même pas de temps libre en réalité, puisque qu’il est indirectement contrôlé par tout les médias et autres principes de nos sociétés.

Le constat fait peur, comme dans 1984 de Orwell, les gens ne se rebelleront jamais parce qu’ils n’en ont pas l’intelligence, pire encore, cela ne leur vient même pas à l’esprit parce qu’ils ont quand même la sensation d’être dans une société libre et qu’ils jouissent tant qu’ils le veulent…

Alors, si par hasard il y a encore des âmes dans ce monde qui font l’effort de dire non, de ne pas se laisser emporter par le flux de la facilité intellectuelle, qui pensent et veulent accéder à un réel bonheur doublé d’une capacité mentale, intellectuelle et sensuelle vraie et non pas aliénée par nos société, alors que ces gens-là diffusent la culture, la curiosité, que ces gens-là parlent d’art, d’amour et de Vie, que ces gens-là rattrapent les autres qui se sont égarés pour que l’humanité redevienne humaine. Car ce qui fait l’humanité de l’homme, c’est qu’il est libre, libre de quoi ? Libre d’être heureux et non contraint.

Ce texte sur le bonheur et la liberté peut a priori paraître prétentieux, hautain, dirigiste, et quelque peu naïf mais ce n’est pas du tout mon intention, j’ai juste envie de croire que ce monde n’est pas perdu, ou alors s'il l'est, laissez-moi le temps de voir sa déchéance finale et d’apprécier sa reconstruction. Mais je reste optimiste, humaniste diraient certains, et j’aimerai pouvoir redonner leur conscience aux hommes, leur rendre leur liberté. Ce n’est pas par prétention, je crois que simplement j’aime les hommes parce qu’ils ont fait des choses merveilleuses dans ce monde qui m’ont touché suffisamment profondément pour que je me sente un peu redevable à cette humanité formidable pleine de talents qui m’a permis à plusieurs reprise de connaître le bonheur. C’est aussi, le plus humblement du monde, pour dire merci à la vie.

A titre personnel, cette liberté génératrice du bien-être dont je parle plus haut pourrait je crois s’acquérir grâce à l’art d’abord, et à l’amour ensuite. Je dis d’abord l’art parce qu’à mon sens, il suscite l’amour, il l’encourage. Mais bien évidemment, ces deux géants ne peuvent être classé dans un ordre d’importance, parce que dans ces domaines, il ne s’agit plus d’importance.

L’art est essentiel au bonheur, car il contient en soi l’exaltation, le plaisir, aussi bien intellectuel que sensible. De plus, il ne s’agit pas seulement de joie, il contient aussi la curiosité qui laisse ensuite place à la surprise, la déception ou encore ce merveilleux sentiment qu’est l’émerveillement. Rien que pour cette sensation, l’art devrait faire partie intégrante de chaque vie, car l’émerveillement nous ramène à l’enfance, il provoque en nous une joie mêlée de surprise qui précède un moment de flottement des perceptions, comme si durant un temps (variable d’une personne à l’autre et face à différentes choses) nos perceptions justement étaient absorbées, comme si on ne les contrôlait plus et qu’elles nous guidaient à travers un chemin, inconnu dans le monde matériel, pour nous amener à la beauté, droit devant elle. Mon grand phantasme inavoué serait que chaque homme dans ce monde ait accès un jour à cette Beauté.

C’est justement en passant par le chemin de la beauté que nous arrivons à l’amour. Etre touché par la beauté c’est aussi avouer l’immensité et la profondeur insondable de sa sensibilité, qui à tout moment peut vous surprendre par son intensité. Le moment particulier où elle nous étonne à chaque fois, ou rien - y compris l’habitude – ne peut enfreindre son ardeur, c’est lorsque nous aimons. En très grande majorité, quand nous voyons la beauté, nous devenons amoureux d’elle, c’est pour cela que je reliais l’art, qui amène à voir la beauté, qui elle-même nous rend aimant. Le sentiment d’amour est immensément complexe, tellement qu’il me parait totalement indéfinissable ; ce que je peux me permettre de dire, c’est que ses formes autant que ses objets varient toujours, la seule constance qu’il nous amène, c’est une sensation de plénitude, de vérité, de clarté, d’évidence, mêlée à celle de l’impuissance. En cela l’amour, à la fois si agréable et si dérangeant est une caractéristique qui définit l’homme, dans toute la splendeur de son éternelle dualité. Cet amour sincère, qui donne tant de force à la vie, qui pousse les amoureux à toujours vouloir vivre plus fort, cet amour disparaît de notre monde, peu à peu remplacé par la tiédeur de l’amour modéré et raisonnable, en accord avec toutes ces choses si ternes qui régissent nos sociétés… Choses ternes et tristes, mais faciles d’accès pour des hommes fatigués qui laissent d’autres hommes décider de l’intensité de leurs amours.

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Commentaires
P
Salut à tous !<br /> Félicitation pour le blog et vos publications.<br /> C'est un véritable plaisir de revenir vous lire régulièrement.<br /> Continuez comme cela :-)
L
Comme tu dévoiles ta pensée sur l'Art, tu prends le risque de dévoiler ta propre vision, je ferais de même, car si pour toi l'art est avant tout l'amour, pour moi il est la sincérité même. <br /> <br /> Le monde qui nous entoure est peuplé de mensonges et de faux semblants. Que se soit dans nos relations aux autres ou dans les médias, tout n'est que apparence. Peu de gens peuvent se vanter ou se permettre d'être sincère si ils veulent vivre en socièté et les artistes font partie de cela. <br /> <br /> L'artiste se révèle dans ses oeuvres en y mettant ses passions, ses obsessions, sa propre vision, sans aucun compromis ; si toute fois il est réellement sincère avec son oeuvre. C'est pour cela que je n'adhère pas totalement à ta conception.<br /> <br /> L'art se veut une extension de l'âme humaine qui est loin d'être habitée que d'amour comme tu le sais, mais aussi d'émotions aussi violente que la haine ou le désespoir. Je trouve réducteur que de ne cité que celle là en fait, même si il en fait partie.<br /> Des oeuvres ont suscité de la haine, déchainé les passions, mais n'est ce pas encore de l'art ? <br /> Un artiste torturé sort de ses tripes ses angoisses, ses douleurs, est-ce de l'amour qu'il cherche à susciter ? <br /> Je ne crois pas. <br /> <br /> L'art est une bulle de vérité de l'âme dans une mer d'illusion est en cela il est nécessaire pour que l'humanité n'oublie pas d'être humain, avec ses forces et ses faiblesses. <br /> c'est ma vision, elle est loin d'être parfaite, je le sais -ni même aussi évolué que Fluchère, Aragon ou Nietzche- mais c'est une réponse sincère à l'introcdution sincère que tu as écrite.
R
La mission suprême de l'art consiste à libérer nos regards des terreurs obsédantes de la nuit, à nous guérir des douleurs convulsives que nous causent nos actes volontaires. Ainsi parlait Zarathoustra<br /> <br /> Créer, - voilà la grande délivrance de la souffrance, voilà ce qui rend la vie légère.<br /> Ainsi parlait Zarathoustra<br /> <br /> L’art doit avant tout embellir la vie, donc nous rendre nous-mêmes tolérables aux autres et agréables si possible : ayant cette tâche en vue, il modère et nous tient en brides, crée des formes de civilité, lie ceux dont l’éducation n’est pas faite à des lois de convenance, de propreté, de politesse, leur apprend à parler et à se taire au bon moment.<br /> De plus, l’art doit dissimuler ou réinterpréter tout ce qui est laid, ces choses pénibles, épouvantables et dégoûtantes qui, malgré tout les efforts, à cause des origines de la nature humaine, viendront toujours de nouveau à la surface : il doit agir ainsi surtout pour ce qui en est des passions, des douleurs de l’âme et des craintes, et faire transparaître, dans la laideur inévitable ou insurmontable, son côté significatif.<br /> Après cette tâche de l’art, dont la grandeur va jusqu’à l’énormité, l’art que l’on appelle véritable, l’art des œuvres d’art, n’est qu’accessoire. L’homme qui sent en lui un excédent de ces forces qui embellissent, cachent, transforment, finira par chercher, à s’alléger de cet excédent par l’œuvre d’art ; dans certaines circonstances, c’est tout un peuple qui agira ainsi.<br /> Mais on a l’habitude, aujourd’hui, de commencer l’art par la fin ; on se suspend à sa queue, avec l’idée que l’art des oeuvres d’art est le principal et que c’est en partant de cet art que la vie doit être améliorée et transformée. Fous que nous sommes ! Si nous commençons le repas par le dessert, goûtant à un plat sucré après l’autre, quoi d’étonnant si nous nous gâtons l’estomac et même l’appétit pour le bon festin, fortifiant et nourrissant , à quoi l’art nous convie. “<br /> Humain, trop humain,
H
"Car il y a la règle et il y a l'exception. Il y a la culture qui est la règle, et il y a l'exception, qui est de l'art. Tous disent la règle, ordinateur, T-shirts, télévision, personne ne dit l'exception, cela ne se dit pas. Cela s'écrit, cela se compose, cela se peint, cela s'enregistre. Ou cela se vit, et c'est alors l'art de vivre. Il est de la règle de vouloir la mort de l'exception, il sera donc de la règle de l'Europe de la culture d'organiser la mort de l'art de vivre qui fleurit encore à nos pieds. <br /> <br /> Quand il faudra fermer le livre, ce sera sans regretter rien. J'ai vu tant de gens si mal vivre, et tant de gens mourir si bien."<br /> (Jean Luc Godard, dans ses films)<br /> <br /> La dernière phrase est en réalité de Louis Aragon "le crève-coeur".<br /> <br /> Concernant l'amour...c'est une autre histoire.
M
Une petite citation, en rapport avec le sujet me semble-t-il. Il m'a fallu un peu de temps pour la retrouver :<br /> <br /> <br /> "Il a renoncé à tout, sauf à être lui-même. L'essentiel. Donnez au mot son sens authentique. Chargé de servitudes, l'homme s'en invente toujours de nouvelles, met sa fabuleuse ingéniosité, son infatigable imagination, au service d'ennemis toujours plus nombreux, toujours plus divers. Contraintes politiques, sociales, économiques, militaires, religieuses, métaphysiques. On n'en finirait pas d'énumérer. A chaque tour de vis, c'est un peu de la cervelle qui suinte, un peu de sang qui se dessèche, un peu de spiritualité qui s'évanouit. Voici les civilisations de masse idéologies dévorantes, qui transforment l'homme en automate, qui lui dictent ses réactions, qui lui mentent sur ses goûts, qui lui escroquent son bonheur. Immense marée qui monte de tous les coins de la terre, qui entraîne les hommes comme le flot balaie la fourmilière vers on ne sait quel néant.<br /> [...]<br /> Où sont donc les âmes, et que devenues? Est-il possible que le sadisme, dix mille années de sadisme, affublé du nom de civilisation, puisse aboutir à un tel mépris collectif, organisé, scientifique, de l'homme et de son âme, si tant est qu'il en a une?"<br /> <br /> Henri Fluchère (Préface de Tropique du Cancer)
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